Placer la trésorerie de son entreprise en bourse est une décision stratégique délicate. Entre les rendements potentiels et les risques inhérents aux marchés financiers, il faut adopter une démarche rigoureuse. Dans cet article, nous allons détailler étape par étape la méthode pour bien choisir des actions en bourse dans ce contexte, les critères clés à analyser, les outils à utiliser, les stratégies de diversification, ainsi que les pièges à éviter.
I. Pourquoi envisager de placer sa trésorerie en bourse ?
1. Rendement potentiel vs. intérêt des liquidités
Les trésoreries d’entreprise sont souvent placées de manière conservatrice (comptes à terme, obligations d’État, livrets bancaires) pour préserver le capital. Toutefois, dans un contexte de faibles taux d’intérêt, ces placements peuvent générer des rendements faibles, voire être absorbés par l’inflation. Placer une partie de cette trésorerie en bourse offre un potentiel de rendement plus élevé, à condition de bien choisir les actions et de maîtriser les risques.
2. Horloge d’investissement et horizon de temps
Quand on est une entreprise, on dispose généralement d’une vision à moyen terme (3–10 ans) pour ces fonds. Il ne s’agit pas de spéculation à court terme, mais d’une stratégie d’investissement raisonnée qui accepte la volatilité au profit de gains à plus long terme.
3. Liquidité relative
Les actions cotées offrent une liquidité bien meilleure que des placements immobiliers ou des participations non cotées, ce qui est essentiel pour une trésorerie d’entreprise qui doit parfois répondre à des besoins opérationnels ou imprévus.
II. Les principes de base avant de sélectionner des actions
Avant de passer à la sélection d’actions, quelques principes fondamentaux doivent guider votre démarche.
1. Définir votre allocation et votre part « risque »
Ne jamais investir l’intégralité de la trésorerie : une partie doit rester en réserve liquide ou sécurisée pour les besoins de trésorerie opérationnelle (fonds de roulement). Déterminez la part maximale que vous vous autorisez à investir en actions (par exemple 20 %, 30 %, voire 50 % selon la tolérance au risque).
2. Bien connaître votre profil de risque
Même en tant qu’entreprise, il faut définir un profil de risque (conservateur, modéré, dynamique). Ce profil conditionnera le type d’actions à privilégier : grandes valeurs stables, valeurs de croissance, small caps, secteurs innovants ou défensifs.
3. Diversification obligatoire
Ne jamais tout miser sur une seule action ou un seul secteur. Une diversification selon les secteurs, zones géographiques et styles d’investissement est essentielle pour limiter la volatilité et le risque spécifique.
4. Time in the market > timing the market
Essayez de ne pas « chronométrer » les marchés de façon excessive. Une stratégie d’investissement progressive (investissement échelonné) permet de lisser les effets de la volatilité.
5. Prendre en compte la fiscalité & coût
Selon votre pays, les dividendes et plus-values sont imposés différemment. Les frais de courtage, droits de garde, commissions impactent le rendement net. Intégrez ces coûts dans vos calculs avant d’acheter une action.
III. Méthode : étapes pour bien choisir des actions
Voici une méthode structurée en plusieurs étapes :
Étape 1 : repérage et génération d’idées
- Sources d’inspiration & veille
- Lire les médias spécialisés (ex. Boursorama pour l’actualité boursière) Boursorama+1
- Utiliser les sites d’informations financières (ex. Zonebourse) Zonebourse+1
- Suivre les recommandations d’analystes (mais les traiter avec critique)
- Repérer les secteurs en croissance, tendances macroéconomiques, innovations technologiques
- Filtrage initial (screening)
Utiliser un screener d’actions pour appliquer des critères quantitatifs initiaux. Exemples de critères :- Capitalisation minimale (ex. > 1 milliard €)
- Ratio cours / bénéfices (P/E) raisonnable
- Ratio dette / capitaux propres (levier maîtrisé)
- Croissance du chiffre d’affaires ou du résultat sur plusieurs années
- Rendement du dividende (si applicable)
Étape 2 : analyse fondamentale
Une fois quelques actions présélectionnées, réalisez une analyse fondamentale. Voici les axes à creuser :
- Étude de l’entreprise
- Modèle économique : savoir comment elle gagne de l’argent
- Avantage concurrentiel / barrière à l’entrée
- Equipe dirigeante : crédibilité, antécédents, vision
- Historique de profits, croissance, stabilité
- Analyse financière
- États financiers : bilan, compte de résultat, flux de trésorerie
- Ratio clé : ROE, ROA, marge nette, marge opérationnelle
- Endettement : dette à long terme / EBITDA, couverture des intérêts
- Cash flow libre : capacité à générer des liquidités
- Qualité des actifs : actifs immobilisés, créances, stocks
- Perspectives sectorielles et macroéconomiques
- Tendances du secteur (digitalisation, transition énergétique, IA…)
- Réglementation, facteurs politiques
- Commodités, taux d’intérêt, inflation
- Valorisation comparative
- Comparer avec les pairs (multiples P/E, EV/EBITDA, P/B)
- Modèles d’évaluation : actualisation des flux de trésorerie (DCF), valorisation relative
- Scénarios (optimiste, modéré, pessimiste)
Étape 3 : contrôle des risques
- Sensibilité aux chocs macroéconomiques
Etudier la sensibilité de l’action aux taux d’intérêt, aux cycles économiques, aux devises. - Volatilité historique
Mesurer la volatilité (écart type, bêta) pour anticiper les fluctuations. - Stress tests et scénarios extrêmes
Simuler ce qui se passerait en cas de crise économique, de recul brutal des résultats, de saturation du marché. - Stop-loss & gestion de position
Définir des seuils de perte (ex. – 10 %, – 20 %) au-delà desquels vous vendrez pour limiter les dommages.
Étape 4 : allocation & timing d’achat
- Phasage de l’achat
Au lieu d’acheter tout d’un coup, répartir l’entrée dans le temps (par exemple en 3 ou 4 tranches) pour lisser le coût d’entrée. - Ordres limités vs ordres au marché
Préférez des ordres limités pour contrôler le prix d’entrée, sauf dans un scénario urgent. - Coordination avec les besoins de trésorerie
Assurez-vous de ne pas immobiliser trop de fonds pendant les périodes où l’entreprise pourrait avoir besoin de liquidités. - Revues périodiques
Revoir périodiquement les positions, les multiples, les résultats et décider de conserver, renforcer ou sortir.
Étape 5 : suivi et revalidation
- Suivi des performances
Comparer le rendement des actions sélectionnées avec les indices de référence (CAC 40, Euro Stoxx 50, etc.). - Surveillance des indicateurs de l’entreprise
Revenus trimestriels, marges, guidance, data sectorielle, concurrent. - Rééquilibrage régulier
Si une action a beaucoup monté, réalisez des prises de bénéfices partiels pour recadrer votre allocation. - Capitalisation des dividendes et réinvestissement
Si l’action distribue un dividende, décider s’il faut le consommer ou le réinvestir dans d’autres actions.
IV. Critères spécifiques à privilégier quand on veut « placer sa trésorerie en bourse »
Lorsque la finalité est de placer la trésorerie d’une entreprise, certains critères prennent davantage de poids :
1. Sécurité et qualité des entreprises
On privilégiera des sociétés solides (blue chips, grandes capitalisations) ayant démontré leur résistance en cycles baissiers.
2. Dividendes stables & distributions
Si l’objectif est d’obtenir un flux de trésorerie régulier, il peut être judicieux d’intégrer des actions versant des dividendes stables, mais en prenant garde à la couverture de ces dividendes via les flux de trésorerie.
3. Liquidité élevée
Pour une trésorerie placée, la liquidité est importante — vous devez pouvoir revendre rapidement sans trop d’écart de prix. Privilégier les actions d’entreprises très cotées.
4. Volatilité modérée
Évitez les actions extrêmement volatiles (biotechnologie, start-ups) si elles constituent une part importante de la trésorerie. Une volatilité maîtrisée est préférable.
5. Corrélation faible avec l’activité de l’entreprise
Il peut être intéressant d’investir dans des secteurs non corrélés à l’activité principale de l’entreprise pour diversifier ses risques.
6. Horizon assez long
Pour tolérer les fluctuations, il faut maintenir une vision sur plusieurs années (au moins 5 ans) pour bénéficier des cycles haussiers.
V. Stratégies d’investissement à envisager
Voici quelques stratégies pour structurer un portefeuille d’actions avec la trésorerie de l’entreprise :
1. Portefeuille « cœur-satellite »
- Cœur (70-80 %) : actions « core » stables, diversifiées, solides
- Satellite (20-30 %) : petites positions sur des thèmes de croissance ou opportunités ponctuelles
2. Stratégie de rendement (dividendes)
Constituer un portefeuille centré sur les actions à dividendes croissants, en veillant à ce qu’elles soient soutenables.
3. Stratégie de croissance équilibrée
Allouer une partie aux actions de croissance (technologie, innovation) mais en proportion modérée.
4. DCA (Dollar-Cost Averaging) / Suivi progressif
Entrer progressivement dans les actions pour lisser les risques d’entrée.
5. Couverture partielle
Utiliser des options (couvertures) ou des ETFs inverses pour protéger une partie de la position lors de phases baissières.
VI. Outils et ressources utiles
Voici quelques outils et ressources recommandés pour vous accompagner :
1. Screeners & plateformes de recherche
- Boursorama pour actualité et cotations Boursorama+1
- Zonebourse pour analyses et recommandations Zonebourse+1
- ABC Bourse pour cotations, outils et guides ABC Bourse
- Plateformes de courtage avec outils d’analyse intégrés
2. Rapports d’analystes
Abonnements à des services d’analystes (ex. Morningstar, Reuters, Bloomberg) pour obtenir des perspectives externes.
3. Logiciels financiers / modélisation
Excel / Google Sheets avec calculs DCF, scénarios, stress tests.
4. Suivi macro & indicateurs
Veille macroéconomique (taux, inflation, indicateurs PMI), politique monétaire, cycles sectoriels.
VII. Étude de cas fictive : placer sa trésorerie de 1 million d’euros
Pour rendre cela concret, imaginons une entreprise disposant d’1 000 000 € de trésorerie qu’elle souhaite investir en actions selon la méthode décrite.
1. Allocation prudente
Supposons que l’entreprise décidera d’investir au maximum 30 % (soit 300 000 €) en actions, le reste restant en placements ultra-sûrs pour les besoins opérationnels.
2. Premiers filtres
À l’aide d’un screener, on retient quelques actions :
- Société A : grande cap. française, dividende stable
- Société B : entreprise technologique cotée dans l’UE, croissance forte
- Société C : société de services énergétiques durable
3. Analyse fondamentale
- Société A : marge stable, endettement limité, rendement 3 %
- Société B : forte croissance, ratios élevés mais justifiés, flux de trésorerie croissants
- Société C : position dans la transition énergétique, potentiel de marché à moyen terme
4. Contrôle des risques & allocation
- Société A : 120 000 €
- Société B : 100 000 € (part satellite)
- Société C : 80 000 €
Entrée progressive en 3 tranches sur chaque position sur une fenêtre de 3 à 6 mois.
5. Suivi
Revue trimestrielle des résultats, comparaison avec les attentes, ajustements éventuels.
Résultat attendu : un rendement net supérieur aux placements classiques, tout en gardant une réserve de fluidité.
VIII. Erreurs fréquentes à éviter
- Investir toute la trésorerie
- Négliger la diversification
- Suivre aveuglément les recommandations d’analystes
- Ignorer les coûts & fiscalité
- Manque de suivi et de réévaluation
- Être trop réactif (acheter/vendre à chaque fluctuation)
IX. Conclusion
Placer sa trésorerie en bourse peut être une stratégie judicieuse, à condition d’adopter une méthodologie rigoureuse. En combinant une sélection prudente d’actions, une diversification maîtrisée, un phasage d’entrée et un suivi rigoureux, une entreprise peut tirer avantage du potentiel de marché tout en limitant les risques.
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